ANNEQUIN 

au fil du temps...  

ANNEQUIN A L'EPOQUE CONTEMPORAINE

 

La chute de la monarchie française ne plaît guère aux royaumes voisins. L'instauration d'une République en France remet en question l'équilibre européen et favorise la propagation d'idées nouvelles. Les puissances européennes cherchent dès lors à attaquer la France. De 1792 à 1794, la région est par deux fois envahie par l’armée autrichienne, mais les armées révolutionnaires libèrent le territoire et envahissent les provinces de Belgique qui resteront françaises jusqu’en 1815.
La période post-révolutionnaire est aussi marquée par une grande instabilité politique. C'est finalement Napoléon Bonaparte qui s'impose et lance la France dans une série de guerres pour établir son empire. Pour cela, il a besoin d’hommes, de soldats, c’est pourquoi une loi de conscription mobilise nombre de jeunes hommes de la région. On peut donc penser que des annequinois ont combattu lors des campagnes napoléoniennes.
Pour notre village, ce début de XIX° siècle est aussi très agité. D'abord, par les « chauffe-pieds » ou « chauffards » (une bande de brigands) qui terrorisent la région. Leur chef, Petit François, est finalement arrêté et exécuté. Puis, les annequinois doivent faire face à une épidémie de choléra qui cause un véritable ravage, en 1827.

 

En 1848, l'Annuaire du Pas-de-Calais décrit notre commune : « Ce village est fort ancien, il tire son nom du celtique An (= rivière), et d'Acum (= demeure). Le bas d'Annequin est plus considérable que le haut et ne forme, pour ainsi dire qu'une longue rue, composée de maisons, pour la plupart en torchis. Sa population est de 589 individus. Son église qui pendant la tourmente révolutionnaire a servi, comme bien d'autres, d'usine à salpêtre, n'a pas été vendue … Marie-Françoise d'Assignies épousa en 1756, François-Ferdinand de Lannoy d'Annappe. Le fils aîné de ce dernier vendit, en 1820, à M. Colombier de Lille, la terre d'Annequin avec le château. Cet édifice peu habité depuis longtemps, exigeait sans doute beaucoup de réparations. Le nouveau propriétaire le fit démolir. C'est une grande perte pour l'archéologie car ce château était des plus remarquables. L’église, sous le vocable de Saint Martin, parait dater du XVII° siècle. Le clocher date de 1753… ».

 

A la chute de Napoléon, la IIème République voit le jour. Le parti Bonapartiste reste cependant très influent et Louis Napoléon Bonaparte (neveu du premier) devient le premier président de la République et établi le Second Empire sous le nom de Napoléon III. Les relations franco-prussiennes sont alors très tendues. En 1870, la candidature du prince allemand Léopold de Hohenzollern Sigmaringen à la succession du trône d'Espagne, suffit à déclencher une guerre. Les Généraux français pensaient pouvoir battre aisément les prussiens. La réalité est toute autre. Les allemands mieux équipés, n'ont aucun mal à mettre en déroute l'armée française. Les Uhlans (soldats prussiens) s'emparent d'une grande partie du Nord/Pas-de-Calais. La guerre tourne rapidement au désavantage de la France, mais ne cause pas de dégâts importants dans notre région. Napoléon III est fait prisonnier à Sedan, c'est la fin du Second Empire, la République est proclamée. Paris est alors menacée et la France capitule en janvier 1871.

 

Annequin et l’exploitation minière

 

De 1801 à 1889, la population d’Annequin évolue faiblement (de 494 habitants en 1801 à 600 en 1836 et 620 en 1889).
En 1861, sur 613 habitants, 244 ont moins de 20 ans (39,80%) et les plus de 60 ans sont au nombre de 91(55 de 61 à 70 ans ; 27 de 71 à 80 ans ; 9 de 81 à 90 ans). La personne la plus âgée a 90 ans.
La structure de la population évolue sensiblement entre les recensements de 1861 et de 1891 : en 1861, la commune compte 90 fermes et 432 personnes vivent de l’agriculture, contre 253 en 1891. A cette date, 281 personnes vivent de l’exploitation charbonnière dans le secteur. A cette période, la population d’Annequin augmente rapidement. Le nombre d’habitants passe de 620 en 1889 à 1886 en 1912, soit trois fois plus d'habitants en seulement 23 ans. Cet accroissement rapide est lié à l’installation d’une exploitation minière dans notre commune.
Si l’exploitation du charbon débute dès le milieu du XVIII°siècle dans le département du Nord, il faut attendre 1842 pour que l'on découvre du charbon dans le Pas-de-Calais, à Oignies. De grandes compagnies minières se forment et très rapidement le jeune bassin du Pas-de-Calais qui ne cesse de s’agrandir, surpasse celui du département voisin.
La production de charbon est, à cette époque, en constante augmentation.
C’est ainsi, qu’en 1891, l’agent général de la compagnie minière de Béthune demande au préfet du Pas-de-Calais, « l’autorisation d’ouvrir un nouveau siège d’exploitation, dit n° 9, … sur le territoire de la commune d’Annequin ».
Le puits n° 9 est foré en 1892-1893, et l’exploitation débute en 1896. La Fosse n°9 dépend de la concession de Grenay et descend à environ 500 mètres de profondeur. Elle n’exploite que des charbons quart gras dont la teneur en matières volatiles est de 15% au maximum, ce qui signifie que les galeries sont peu grisouteuses. Le charbon extrait à Annequin est utilisé par l'industrie et ne servira pas au chauffage de foyer domestique. La fosse 9 communique avec chacune des fosses voisines (fosses n°4 et n°2). Les galeries permettant de rejoindre ces fosses ne traversent que des terres dites « stériles » (sans charbon) et servent aussi d’issue de secours en cas de catastrophe.
Au début de XX° siècle, la production journalière est d’environ 700 tonnes par jour.
Le salaire journalier moyen est de 4 francs 64 centîmes pour un ouvrier du fond, et de 3 francs 54 pour un ouvrier du jour. D’après les statuts des ouvriers et employés des mines de Bully-Grenay, à travail égal, les hommes mariés gagnent plus que les hommes célibataires.
Pour loger les mineurs à proximité de la fosse, la compagnie des mines de Béthune fait construire la cité 9 dans les années 1890.
En 1906, le Directeur de la compagnie des mines sollicite « l’autorisation d’ouvrir un nouveau puits d’extraction n°12 sur la commune d’Annequin … l’emplacement choisi pour le nouveaux puits est de 1755 mètres au Sud-Ouest du puits n° 9 et à 655 mètres de la limite Ouest de la concession de Grenay » (au-delà de la route nationale 43).
Le puits n° 12 est achevé en 1910. Ce puits sert à aérer les galeries. Il atteint une profondeur de 520 mètres. Grâce à ce puits, muni de deux ventilateurs « rateaux » commandés par des moteurs électriques, le goyot de la fosse n° 9 est supprimé. L’aérage des galeries de la fosse 9 en est grandement amélioré, comme en témoigne un rapport de l’ingénieur des mines, daté de 1911 : « l’aérage de la fosse 9 est presque excessif depuis la suppression du goyot et l’ouverture du puits n° 12 : beaucoup de circuits sont même en partie fermés de façon à faciliter l’aérage de la fosse n° 4, plus éloignée …».
En 1910, 440 mineurs vivent à Annequin, dont 417 travaillent à la fosse n° 9 pour la compagnie de Béthune; un seul pour la compagnie de Lens ; et 22 pour la compagnie de Noeux. Cinq ans plus tard, se sont 485 mineurs qui habitent la commune. Il faut souligner que la fosse d’Annequin occupe au total 832 ouvriers, et que 220 d’entre eux sont logés dans la cité 9. Cette augmentation de la population engendre évidemment l'ouverture de commerce. La commune ne compte pas moins de 5 estaminets dans lesquels les mineurs se réunissent après le travail pour se détendre en jouant aux cartes, aux javelots, etc.
Un chemin de fer permettant de transporter le charbon, appelé « chemin des cavaliers », traverse la commune. Venant de Sailly-Labourse, ce chemin de fer passe à l’ouest de la cité minière et de la fosse, puis derrière l’église en direction d’Auchy-les-mines. En 1907, la compagnie des mines de Béthune fait construire un embranchement pour relier la fosse 9 à la fosse 12 par voie ferrée. Cet embranchement prend son départ derrière l’église, puis se dirige vers Noyelles-les-Vermelles, franchissant la RN 43. Or, la compagnie des mines de Béthune qui possède les terrains commence les travaux sans en avertir la municipalité. Ce qui a donné lieu à des réclamations de M. Pinchon, Maire d’Annequin, En effet, la voie ferrée traverse des chemins qui appartiennent à la commune : « Il est incontestable que les chemins dont il s’agit (le chemin rural dit du Bouré et sentier) sont propriétés de la commune. Il appartenait par conséquent à la compagnie de demander et d’obtenir contre condition à fixer, le droit de les couper par la voie ferrée. Quand cette première partie de la question sera tranchée, le maire d’Annequin examinera avec la plus grande bienveillance la question de modifications des parties où ils sont traversés, l’établissement de passages à niveau ainsi que tous les travaux qui permettront à la compagnie des les utiliser pour son service personnel, tout en sauvegardant les droits du public ». Des passages à niveau surveillés sont alors mis en place à hauteur de la RN 43 et du chemin du Bouré pour garantir la sécurité.
En 1908, les mineurs de la fosse 9 utilisent pour la première fois la lampe de sûreté à essence, système Marsault, qui permet de détecter la présence de grisou. Avant cette date, les mineurs utilisaient une lampe à feu nu, beaucoup plus dangereuse.
En 1911, notre village se modernise, la Société Artésienne de Force et Lumière établit une ligne électrique aérienne destinée à alimenter le poste de transformation d’Annequin, installée au croisement de la rue de l’église et de la RN 41. La ligne électrique à haute tension est mise en place le long de la rue de Noyelles, du chemin des vaches et de la rue de l’église. Annequin est alors une commune prospère, dont le nombre d’habitants et l’activité économique ne cessent de se développer.

 

Faits divers rapportés par le Journal de Lens entre 1895 et 1914

 

Le 13 mai 1895, une grande cérémonie est organisée pour les funérailles de M. Théodore Denis, instituteur d’Annequin à la retraite, décédé à l’âge de 68 ans. « Une foule considérable venue de divers points du département, la plupart des instituteurs et institutrices du canton, les notabilités de la commune avaient tenu, par leur présence, à rendre un dernier hommage à l’homme de bien » … « M. Denis était en retraite depuis 11 ans, après 38 ans de bons et loyaux services. Instituteur d’élite (il avait terminé 1er de l’école normale supérieur), il ne tarda pas a être apprécié de ses supérieurs qui lui offrirent le poste d’Arras. Il crut devoir refuser ce poste d’honneur par modestie… ».
Le 24 juin 1895, « un violent incendie a éclaté dans une petite ferme, appartenant à Mme veuve Fourmaux et occupée par un ouvrier mineur, Eugène Decool. Une grange a été complètement détruite avec tout ce qu’elle contenait… Cause inconnue ».
Le 23 novembre 1898, un « feu s’est déclaré dans une meule de blé appartenant à M. Hannedouche Louis, 68 ans, cultivateur à Annequin. Quelques bottes seulement ont pu être sauvées. La cause du sinistre est inconnue ».
Le 17 mai 1900, « M. Anatole Scherpere constata que le feu était à sa boulangerie. Avec l’aide des voisins, on empêcha l’incendie de s’étendre à la maison d’habitation… »
Le 20 juin 1900, Tribunal de Béthune : « Melle Flore Baillon, d’Annequin, est encore bien jeune puisqu’elle n’est âgées que de 14 ans, mais elle fait montre de disposition qui pourraient bien lui faire filer … du mauvais coton. En effet, après avoir déjà été poursuivie pour vol et remise à ses parents comme ayant agi sans discernement, elle vient, le 26 Mai, de commettre une nouvelle faute qui l’amène une deuxième fois devant le tribunal correctionnel. Cette fillette, sachant son voisin Henri Bouchez absent, s’introduisit chez lui et lui déroba une robe. Cette fois, le tribunal estime que Flore Baillon a agi avec discernement et la condamne malgré son jeune âge à six jours de prison. »
Accident à la fosse n° 9 : Le 17 juillet 1900, « à onze heures du soir, un éboulement s’est produit au fond de la fosse 9, dans une veine ou travaillaient plusieurs ouvriers. L’un d’eux, Henri Colmart, âgé de 40 ans, a été complètement enseveli. Quand on est parvenu à la dégager, il avait cessé de vivre. Le Docteur Hu de Vermelles, a constaté qu’il avait eu l’épine dorsale brisée. Colmart qui habitait Annequin, laisse une veuve et deux enfants. »
Venue du député Arthur Lamendin à Annequin, le 16 décembre 1900 : « Plus de 500 personnes se pressaient dimanche soir dans la salle Macquart, pour assister à la conférence tenue par M. le député Arthur Lamendin. M. Lugeux président a ouvert la séance en adressant les meilleurs souhaits de bienvenue au député de Béthune, puis ce dernier avec toute l’éloquence qu’on lui connaît, a rendu compte de son mandat et de ses votes à la Chambre. Le discours du député Lamendin a fréquemment été interrompu par les applaudissements de l’auditoire et couvert par les cris de Vive Lamendin ! Vive le député ouvrier !
Puis un ordre du jour félicitant le député et lui renouvelant la confiance de ses électeurs a été voté à l’unanimité. L’assemblée a également approuvée l’attitude du syndicat dans l’entrevue d’Arras ».
Le 3 février 1901, « Flore Baillon déjà poursuivie trois fois pour vol, est encore inculpée de plusieurs escroqueries. Chez Léon Lefebvre, marchand à La Bassée, elle s’est dite envoyée par sa sœur Rosa, bien connue de la maison comme étant servante chez Mme veuve Tredez, elle a ainsi obtenu deux fourrures valant 10f50. Ceci se passait le 2 Janvier. Le même jour, elle a tenté de se faire remettre, par un moyen analogue, deux jacquettes, chez M. Dazin à Haisnes, et deux chapeaux chez Mme Ghesquière modiste à La Bassée. Elle est condamnée par le tribunal de Béthune à trois mois de prison. »
Le 17 mars 1901, « un grave accident s’est produit sur le pavé d’Annequin, route de Lille, le nommé Léopold Oudart, âgé de 21 ans, après avoir bu une chope à l’estaminet Macquart-Hennebelle, il donna un coup de fouet à ses chevaux et voulut monter sur son chariot, mais malheureusement, il perdit l’équilibre, tomba sur le pavé et la roue de devant lui passa sur la jambe droite. Le chariot stoppa à l’instant ce qui permit au jeune imprudent de se retirer et d’éviter ainsi une prise en écharpe avec la roue de derrière qui, certainement lui eut passé sur le corps… le médecin n’a pu se prononcer sur la gravité de la blessure. »
Le 27 avril 1901, « un accident mortel s’est produit au fond de la fosse n° 9. Un mineur, âgé de 27 ans, Olivier Creton était occupé au haut d’un plan incliné à dégager une pierre qu’il voulait faire tomber. Tout à coup, il perdit l’équilibre et tomba à la renverse. Comme le plan à une inclinaison de 65 degrés, il roula jusqu’au bas à 60 mètres de distance avec le pic dont il se servait. Creton laisse une veuve et cinq enfants. »
Le 15 septembre « un accident s’est produit à la fosse n° 9 ,… les ouvriers Théophile Hazalot (20 ans) et Henri Gallot (25 ans) étaient occupés à monter un appareil au sommet d’une taille lorsqu’ils renversèrent accidentellement un bois de soutènement, ce qui provoqua un éboulement. Hazalot fut enseveli. Une pierre d’environ 200 kilos lui avait défoncé la poitrine, et en se brisant elle avait atteint gallot, lui fracturant le pied droit »

 

Le 22 janvier 1903, « un ouvrier, Pierre Delbarre (28 ans), qui était occupé à boiser une taille de la fosse n° 9, a été pris sous un éboulement et eu la colonne vertébrale fracturée ce qui provoqua son décès. »
3 septembre 1903 : « On vient de dresser le procès verbal à la charge d’une cabaretière d’Annequin, Marie Caron, qui est accusée d’incitation habituelle de femmes ou filles à la débauche … L’inculpée nie mais sa servante donne des détails précis et cite le nom de nombreux clients … ».
Suite à la catastrophe de Courrières (10 Mars 1906), durant laquelle 1099 mineurs ont laissé la vie, le conseil municipal d’Annequin a voté un secours de 100 francs en faveur des victimes. Un groupe d’Anciens élèves et d’amis de l’école ont organisé, dans le même but, une fête de bienfaisance.
Le 13 novembre 1911, « Henri Derache (20 ans), ouvriers à la fosse n° 9, a été atteint à la tête d’un bloc qui s’est détaché de la voûte d’une taille, est blessé grièvement. »
Un terrible accident se produisit, à la fosse n° 9, le 28 août 1912 : Un éboulement a enseveli trois ouvriers. « L’un d’eux, Emile Taffin a été tué. Un autre, Léon Guffoy a eu l’épaule fracturée. Quant au troisième, d’origine belge, il en a été quitte pour des contusions sans gravité. »

L'église d'Annequin au début du XX° siècle