ANNEQUIN
au fil du temps...
ANNEQUIN ET LA GRANDE GUERRE
Le registre de délibérations du conseil municipal témoigne des destructions engendrées par les combats : « Le village a connu des dommages matériels considérables, aucune maison n’est intacte. 23% rasées. Le territoire est couvert de tranchées, de fils barbelés …Les maisons ont été entièrement pillées … ». Les dégâts sont énormes, la région a été ravagée par les batailles. Des baraquements sont mis en place pour loger les habitants dont les maisons ont été détruites. L’église est, elle aussi, en ruine. Le conseil municipal décide donc de la faire reconstruire à l’emplacement préexistant. Les travaux de l’église s’achèveront en février 1929.
Dans le but d’activer les travaux de reconstruction qui s’opèrent avec une « lenteur déplorable », le conseil municipal sollicite, en octobre 1920, l’autorisation préfectorale de former une coopérative communale.
Aux destructions, il faut ajouté les fossés obstrués par l’état de guerre, qui entravent l’écoulement des eaux. Le conseil municipal souligne de nouveau cette situation au préfet, le 19 mars 1921 : « Certaines rues sont impraticables. Il importe de ne pas différer plus longtemps ce travail d’importance capitale au triple point de vue de l’hygiène, de la sécurité, et de la salubrité publique ».
L'alsace et la Lorraine perdues à la suite de la défaite française de 1870, ont intégré l'empire allemand. Les français souhaitent reprendre ces territoires et développent un sentiment revanchard et germanophobe. A la fin du XIX° et au début du XX° siècle, les tensions entre la France et l'Allemagne sont sensibles, certains prônent la guerre contre l'Allemagne pour laver l'honneur de la France sali par la défaite de 1870, et des systèmes d'alliances sont mis en place. L'Allemagne, l'Autriche et l'Italie forment la Triplice, alors que la France, la Russie et l'Angleterre s'unissent dans la Triple Entente. Dans les deux camps, la course aux armements s'accélère. C'est l'assassinat de l'Archiduc François-Ferdinand, héritier du trône d'Autriche-Hongrie, à Sarajevo, qui mettra le feu aux poudres. Et par le système des alliances, le 3 août 1914, l’Allemagne déclarent la guerre à la France. Le 31 août, un premier détachement allemand arrive à Arras. Le 3 octobre, Auchy et ses environs sont occupés par les allemands. Le front s’étend du nord au sud à travers les communes de Laventie, Richebourg, Festubert, Cuinchy, Annequin, Cambrin, Noyelles, Vermelles, et se poursuit vers Vimy. Annequin se trouve donc, dès le début de la guerre dans la zone de combat, et reste menacée jusqu’en 1918. Une partie de la population fuit la commune pour se mettre à l’abri. Le 8 décembre 1914, Vermelles, qui était depuis deux mois le théâtre d’une lutte acharnée, est repris par les troupes françaises.
Le 26 janvier 1915, les troupes allemandes lancent cinq attaques contre les lignes anglaises stationnées à Annequin, Cuinchy et Givenchy. Ils sont repoussés et laissent de nombreux morts. Sur la seule route de Béthune à La Bassée on dénombre près de 400 cadavres. Le 1er Février, l’armée britannique repousse, de nouveau, trois attaques devant Cuinchy.
En avril 1915, les bombardements sont quotidiens, les dégâts sont énormes mais le front se stabilise ensuite. Des tranchées sont creusées à Annequin, Cambrin, Cuinchy, etc. Le 10 avril 1918 Givenchy est reprise par une brillante attaque, la 55° division y fait 750 prisonniers. Huit jours plus tard, de durs combats éclatent sur une grande partie du front, depuis le canal de La Bassée à Givenchy, jusqu’à la Lys. La bataille est particulièrement violente dans les environs car l'ennemi s'obstine, mais sans succès. Le 22 avril, surviennent des attaques ennemies en face de Cambrin. Le 25 avril, les combats se déroulent dans le voisinage de Beuvry.
Les affrontements sont d’une telle violence que les annequinois évacuent le village le 13 avril 1918, et n’y reviendront que six mois plus tard, le 1er octobre. Entre temps, les alliés lancent l’offensive victorieuse (du 21 Août au 16 Octobre).
Le 2 octobre, les allemands se replient définitivement. Le Pas-de-Calais est entièrement libéré et l’armistice est signé le 11 novembre 1918.
Les conséquences de la Première Guerre Mondiale
Annequin a beaucoup souffert de la Grande Guerre. La commune a perdu 103 habitants (54 soldats et 49 civiles). Les tombes du Common Wealth de 9 soldats britanniques tombés en 1915 et 1916 sont visibles, aujourd’hui encore, au cimetière communal.
Route Nationale -
Route de lille après guerre
Suite aux souffrances endurées et grâce au courage de ses habitants, Annequin est décorée de la Croix de guerre le 20 septembre 1920.
Funérailles d’un poilu à Annequin, d’après le journal l’Avenir de Lens :
« Le dimanche 20 mars 1921, ont eu lieu au milieu d’une nombreuse assistance les funérailles du soldat Firmin Châtelain du 4° groupe cycliste, blessé à Lorette, le 14 juillet 1915 et mort 11 jours après, le 25 juillet à l’hôpital d’Amiens. Le maire, les conseillers municipaux, les sociétés de la commune, la population toute entière pourrait-on dire, ont accompagné au champ du repos la dépouille de ce brave qui jouissait d’une sympathie générale. Des discours émouvants ont été prononcés sur la tombe. »
La municipalité fait ériger un monument aux enfants d’Annequin « Morts pour la France », qui est inauguré le 29 juin 1924. Le monument est l’oeuvre du sculpteur Louis Poupart, et représente un soldat qui s’effondre en défendant son drapeau. Voici comment le journal l’Avenir de Lens du 10 juillet 1924 rapporte l’inauguration du monument :
« La cité d’Annequin à peine relevée de ses ruines, a déjà voulu honorer la mémoire des ses glorieux morts.
La cérémonie de l’inauguration a eu lieu le 29 juin devant une foule nombreuse et recueillie.
Dès le matin, toutes les rues sont animées. Ici on s’occupe à ériger des arcs de triomphe, là on arbore son drapeau, on jette des fleurs et de la verdure, etc. au bout de quelques heures, Annequin est transformé, et présente un aspect merveilleux.
A 10 heures a lieu la grand’messe, célébrée par M. l’abbé Bigot, dans la nouvelle église aménagée et ornée pour la circonstance.
M. l’abbé Chappe, directeur du grand séminaire, prononça une magnifique allocution. Il salue d’abord la population qui a donné pendant la guerre un si bel exemple de courage et de bravoure. Malgré la si courte distance qui les séparait des Boches, les braves mineurs n’ont pas cessé de fournir du charbon. Il est venu avec eux honorer les braves tombés au champ d’honneur. M. l’abbé Chappe remémore alors toutes les souffrances endurées par nos braves poilus. Il nous reste des devoirs à accomplir envers eux, dit-il, restons tous unis, et prions pour eux.
Une foule nombreuse assistait à la messe parmi laquelle on remarquait : M. Malatray, ingénieur en chef aux mines de Béthune, M. Jouglas, ingénieur divisionnaire, M. Morel, ingénieur, M. Thorel, l’un des principaux organisateurs de la fête, un grand nombre d’employés et d’ouvriers, etc.
On remarquait encore l’harmonie la Victoire qui se fit entendre plusieurs reprises au cours de la cérémonie ; la société de gymnastique la Fraternelle, la jeunesse catholique, les Charitables.
A l’issue de la messe un cortège se forma pour aller bénir le monument.
Après la bénédiction, M. l’abbé Chappe reprit la parole. En quelques mots il rappela la signification du monument, et la grandeur du soldat, il recommanda surtout de prier pour nos glorieux morts.
Puis on récita un De Profundis, et le cortège se disloqua. L’après-midi eut lieu la cérémonie civile.
A 14 heures à la mairie se fit la réception des nombreuses sociétés venues des communes environnantes.
A 16 heures eut lieu le défilé qui parcouru toutes les rues. Nous ouvrons ici une parenthèse pour raconter l’incident qui se produisit. Un communiste avait cru malin d’attacher aux poteaux plantés de chaque côté de la route une banderole rouge avec cette inscription « à bas la guerre ». Pendant le défilé, plusieurs sociétés ne passèrent pas en dessous. Ce même communiste, au moment des discours, demanda la parole à M. le maire. Ce qui lui fut refusé.
On se dirigea vers le monument, où était déjà rassemblé une foule nombreuse.
M. Meurillon, premier adjoint au maire, fit d’abord l’appel des héros tombés au champ d’honneur. A l’appel de chaque nom, un enfant répondait « Mort pour la patrie ».
M. le maire, entouré de son conseil municipal, avait pris place sur une estrade dressée près du monument. On remarquait aussi MM. Larue, conseiller général du canton de Cambrin, Maes, député.
A 16 heures eut lieu le défilé qui parcouru toutes les rues. Nous ouvrons ici une parenthèse pour raconter l’incident qui se produisit. Un communiste avait cru malin d’attacher aux poteaux plantés de chaque côté de la route une banderole rouge avec cette inscription « à bas la guerre ». Pendant le défilé, plusieurs sociétés ne passèrent pas en dessous. Ce même communiste, au moment des discours, demanda la parole à M. le maire. Ce qui lui fut refusé.
On se dirigea vers le monument, où était déjà rassemblé une foule nombreuse.
M. Meurillon, premier adjoint au maire, fit d’abord l’appel des héros tombés au champ d’honneur. A l’appel de chaque nom, un enfant répondait « Mort pour la patrie ».
M. le maire, entouré de son conseil municipal, avait pris place sur une estrade dressée près du monument. On remarquait aussi MM. Larue, conseiller général du canton de Cambrin, Maes, député.Au nom de la municipalité, M. Sénéchal, maire, prit la parole. M. Régis, de Festubert parla au nom des mutilés et anciens combattants. MM. Larue et Maes leur succédèrent. Tous rappelèrent en termes vibrants et plein d’éloquence, ce qu’endurèrent nos soldats.
Le soir eut lieu l’illumination du monument. Longtemps les habitants d’Annequin garderont le souvenir de cette solennité. »
Monument aux morts -
Place de la République
La vie économique a été entravée pendant la guerre. Les concessions de la compagnie des mines de Béthune furent envahies, en partie, dès les premiers jours d’octobre 1914 par les troupes allemandes. Ces derniers ont alors inondés ou bouchés les puits afin d’éviter que les troupes alliées n’empruntent les galeries pour les prendre à revers. La fosse n° 9 située à 2500 mètres des premières lignes dut arrêter son activité durant de longues périodes. Quelques travaux d’entretien sont effectués la nuit pour éviter d’attirer l’attention. Cependant, les pompes ayant été arrêtés en octobre 1914, quelques galeries sont inondées. C’est pourquoi des travaux de dénoyage sont entrepris après guerre.
La compagnie de Béthune fait reconstruire la cité 9. L’habitat est alors amélioré, et la cité est étendue. Les travaux s'achèvent en 1921. Aujourd’hui encore, on appelle la cité 9 : « les corons », comme nous le faisons pour désigner l’ensemble de l’habitat minier. En réalité, cette appellation est fausse. Il ne s’agit pas ici de corons, mais d’une cité pavillonnaire. En effet, les corons sont des grandes barres de maisons de petite taille, collées les unes aux autres, et pouvant atteindre une certaine longueur. Ces barres regroupaient à l’origine 60 ou 80 maisons, mais furent peu à peu réduites à 20 ou 10 maisons. Les corons représentent le premier habitat minier développé par les compagnies houillères entre 1825 et 1870. A partir de 1870, les compagnies minières construisent non plus des corons, mais des cités pavillonnaires. Il s’agit de cités formées par la réunion de 2, 3 voire 4 maisons entourées d’un jardin. Cette disposition permet de donner de l’indépendance aux ménages, la satisfaction d’être « chez soi », mais surtout plus de confort. En effet, les maisons des cités pavillonnaires sont plus grandes et comptent davantage de pièces que celles des corons. La cité pavillonnaire est alors le meilleur habitat ouvrier de France. Il faut remarquer que durant cette période, les compagnies minières connaissent leur « âge d’or » et que ce type de cité était moins sensible aux affaissements de terrains provoqués par les travaux du fond. De plus, il existait une forte concurrence entre les compagnies pour attirer la main d’oeuvre. La mise à disposition d’un logement agréable est de toute évidence un argument de poids qui motivait les mineurs à rejoindre telle compagnie plutôt qu'une autre. Les compagnies minières se sont attachées à faire des cités, des centres réunissant tout ce qui est nécessaire à la vie sociale : lieux de réunion, terrains de sports, etc. C'est aussi à cette époque que le club de football la "Fraternelle" voit le jour. Le club fait la fierté du village et à chaque rencontre, les supporters sont nombreux sur le bord de la pelouse. On va ensuite prendre un verre et refaire le match, se remémorer les phases de jeux ..
Les écoles de la commune sont construites par la compagnie, et sont entretenues par elle. L’enseignement et les fournitures y sont absolument gratuits. Toute la vie du village est liée à la compagnie.
Peu à peu, les canalisations d’eau potable, qui jusqu’ici aboutissaient à des bornes-fontaines à l’extérieur, sont complétées par des branchements individuels avec évier pour chaque logement. Cependant, seules les maisons de la cité 9 bénéficient de ce confort.
L’après guerre est également marquée par une augmentation du coût de la vie. C’est pour cette raison que les mineurs demandent en 1919, que les compagnies attribuent à leurs ouvriers une indemnité de vie chère, pour la période du 1er octobre au 15 février 1919. Cette revendication est acceptée par les compagnies de Béthune, Noeux, Bruay, et Marles. Les mineurs réclament également l’application de la journée de travail de 8 heures à tout le personnel de « l’intérieur et de l’extérieur » ; les 8 heures comptés de l’entrée à la sortie de la mine ; l’institution de 3 équipes de 8 heures chacune ; l’établissement d’un bordereau de salaire, le salaire pour la catégorie la moins rétribuée devant assurer le droit à une existence confortable ; la suppression de la tâche individuelle, chacun devant produire selon ses forces ; l’augmentation des salaires ; etc. Ceci nous rappelle que les mineurs ont souvent été à l’origine des avancées sociales de l’époque.
En 1920, la compagnie des mines de Béthune passe une convention avec le gouvernement britannique pour le rachat de la ligne ferrée construite pendant la guerre par l’autorité militaire britannique entre Vermelles et la fosse n° 9. Cette voie ferrée se dirige vers Noyelles les Vermelles, et prend la direction de Mazingarbe.
Dès 1925, on peut considérer comme terminée la reconstruction de l'ensemble des installations des mines du Nord/Pas-de-Calais qui retrouvent leurs potentiels de production d'avant-guerre. C'est en 1930 qu'elles atteignent le niveau record jamais égalé de 35 millions de tonnes, soit 67% de la production nationale.
L'outillage est modernisé, le marteau-piqueur à air comprimé, en particulier, remplace le pic traditionnel pour l'abattage. L'énergie est désormais massivement utilisée dans les chantiers souterrains ou au jour.